Réflexions sur des études scientifiques :  voix et politique

Cela ne vous a pas échappé, mais cela fait un moment que je n’ai rien publié sur mon site internet ou mon profil Linkedin. Pas d’analyse de voix, pas de discours, pas de restitution d’articles scientifiques, de statut d’humeur ou de nouveau poste en vue.

J’avoue avoir été bien occupé avec la refonte du site et de l’offre commerciale (formations et E-learning). J’admets aussi que la rentrée est de plus en plus longue, avec de plus en plus de clients qui se manifestent, des écoles et des institutions qui me sollicitent désormais avec les aléas que cela entraîne notamment du point de vue contractuel et organisationnel (une journée n’a que 24h et il est difficile de coacher vocalement dans les transports).

Mea Culpa, cependant…

Je plaide coupable sur le fait de ne pas avoir non plus fait d’analyses de voix de nos représentants. Il faut dire que la séquence politique que nous avons vécue ces derniers mois en France a été dense et déprimante. Entre les élections européennes, la dissolution de l’Assemblée Nationale, la formation d’un gouvernement avec un jeu de dupes digne d’un Game of Throne de bas étage, sauce petit fonctionnaire aigri qui voit là l’occasion de châtier les vilains entrepreneurs, le déficit budgétaire au-delà de préoccupant, l’inventivité folle dont nos représentants pour lesquels on n’a pas voté font preuve dès qu’il s’agit de ponctionner de l’argent, l’absence totale de remise en question de notre classe politique, les conflits au Proche Orient qui rejaïssent sur notre belle France, j’ai ressenti un besoin vital de me déconnecter de l’actualité du moment et de me focaliser sur… mon nombril, ma femme, mes clients et l’expansion de mon activité, décorellée décidément du contexte car elle n’a jamais aussi bien fonctionné. 

En gros, ma relation avec l’actualité a été :

  • de lire la newsletter de Marc Fiorentino ainsi que Time to Sign Off
  • de regarder des vidéos de géopolitique à propos de partout ailleurs que la France
  • de regarder le cours du Brent sur Prix du Baril (nouvelles motos, plus grosses cylindrées donc ça boit plus)
  • une fois de temps en temps BFM, France Télévision et CNEWS mais j’ai vite arrêté devant tous ces commentaires stériles qui tournaient en rond tels des teckels sous amphétamine essayant d’attraper leur queue

Mais, car il faut toujours un mais, cela ne m’a pas empêché, loin s’en faut, de réfléchir à la pertinence de ma spécialité, la voix et le coaching vocal, et à son utilité en ce moment. 

Et l’article d’aujourd’hui va justement être… sur la déconnexion de notre population et des élites qui sont censées être à notre service.

Explications

Crise de conscience…

Derrière ce titre un peu grandiloquent, j’ai eu une vraie interrogation sur ma grille de lecture sur la voix, et les publications scientifiques que j’ai pu lire. En effet, le contexte politique du moment, la polarisation de l’opinion publique, ainsi que la déconnexion du pouvoir de sa base, me donnent une impression de futilité quant à mon analyse politique via les voix. J’avais parié sur une très forte progression du Rassemblement National par le biais de sa tête de pont Jordan Bardella, mais j’ai sous-estimé la nullité d’une bonne partie de leurs candidats. J’ai sous-estimé aussi le réflexe qu’ont eu les Français citadins, apeurés qu’ils étaient d’avoir une assemblée nationale colorée en bleu marine, faire un tel barrage, ce qui nous donne une équipe de députés à la représentativité toute relative…

Ce que j’avais pu analyser, sur l’aspect rassurant et lisse vocalement de Jordan Bardella lors des européennes, scrutin à la proportionnelle, ne s’est pas vérifié lors des législatives, ou ne s’est vraiment vérifié qu’au premier tour.

Par ailleurs, Donald Trump sera finalement élu président des Etats-Unis, alors que les études de Casey Klofstad montrent une tendance statistique en faveur des candidates, à défaut des candidats, dans un face-à-face homme femme.

Le contexte de polarisation absolue et la déconnexion des sphères du pouvoir donneraient-elles tort aux études que j’ai pu lire?

Pire encore, de nouvelles recherches par rapport aux Voicebots montrent qu’il vaut mieux avoir un agent conversationnel reconnaissable et qui ressort, plutôt qu’un SIRI ou un Alexa avec une voix féminine rassurante et qui reste “soumise”. 

Et les médias… Notamment les médias nationaux qui ne vont que dans le sens de la doxa. A quel point les journalistes sont-ils biaisés ?

Petite remise en question, donc, de ma grille de lecture, qui n’est après tout qu’interprétation de spectre harmonique de voix en se posant la question de la résonance auprès d’un électorat, avec ce que cela comporte de biais et d’éventuels raccourcis. MAIS !!!

La lumière au bout du tunnel

Revenons malgré tout un peu en arrière dans le déroulé du raisonnement. Le propos lors des Européennes ont été portées par six personnes qui sont ressorties, à savoir Jordan Bardella, Gabriel Attal (Valérie Hayer n’a juste pas existé), Raphaël Glucksmann, François-Xavier Bellamy, Rima Hassan (Manon Aubry s’est effacée) et Marion Maréchal. L’orateur le plus rassurant, avec la voix la plus, avec une voix plus grave et sans aspérités parmi tous ces représentants l’a remporté. Parmi les votants qui se sont mobilisés, le Rassemblement National l’a emporté de manière très nette. Dans un scrutin à la proportionnelle. Soit le type de scrutin qu’on rencontre dans la très vaste majorité des démocraties européennes… Sauf en France.

Le système électoral pour les législatives est différent, on parle de scrutin majoritaire à deux tours, soit autant de petites élections présidentielles, mais dans des zones très hétérogènes au niveau de la population. En effet, un candidat qui serait élu dans une région rurale à forte majorité caucasienne ne le sera pas forcément dans une région métropolitaine type banlieue avec une forte majorité de personnes issues des minorités (je sais c’est paradoxal)… Donc on a des députés élus via le vote dans une circonscription donnée. Et ce vote n’est pas forcément représentatif de l’opinion générale française. 

Le système électoral américain, on le connaît, est indirect, avec un certain nombre de grands électeurs par état, pour éviter que des endroits comme l’Iowa ou le Montana soient défavorisés par rapport à la Californie ou l’Etat de New York, plus peuplés. Dans le cas d’Hillary Clinton contre Donald Trump, Hillary avait remporté le vote populaire mais n’a pas été élue. Et c’est très probablement ce qui va se passer avec Kamala Harris. Et dans un face à face homme-femme à voix grave, ce sera Madame qui l’emportera la plupart du temps.

C’est la faute au Système !!!!

Le raccourci est tentant mais tout de même bien hasardeux… Les études de Casey Klofstad sur la F0 de la voix sont significatives dans des faces-à-faces à petite échelle dans un système majoritaire à un tour : typiquement les élections de mi-mandat ou un premier round de scrutin majoritaire à deux tours comme une élection législative en France ou lors du premier épisode d’une primaire de parti pour désigner un candidat à une présidentielle. Donc a priori une élection avec un entre-deux-tours est propice au calcul politique, donc va biaiser son résultat.

Au final, c’est le représentant à la voix la plus grave et la plus lisse (sans aspérité), dans ce cas celle de Jordan Bardella en comparaison à Gabriel Attal qui l’a emporté, et très largement, pour les européennes.

De même, beaucoup d’élus LFI ont été élus au premier tour de leur circonscription, souvent urbaine à forte dominance de Français de seconde génération issus du Maghreb ou de l’Afrique Sub-saharienne. Et la reconnaissance des émotions vocales dans un cadre intracommunautaire peut aussi expliquer ce succès dans les zones urbaines défavorisées (par exemple la 17ème circonscription de Paris qui abrite des quartiers populaires ou certaines zones de la Seine Saint Denis).

Par rapport aux élections présidentielles américaines de 2024, cela se vérifie aussi. En effete vote latino américain devait plutôt aller vers Kamala Harris. Or, les résultats n’ont pas été aussi bon que prévus, avec une large portion masculine de cette communauté qui a voté… pour Trump. On est donc sur une forme de reconnaissance vocale émotionnelle de virilité affichée intracommunautaire qui transcende les origines ethniques et va directement au fondamental, le fait que Trump est un homme et que les Latino-Américains masculins le sont aussi.

Enfin, le Rassemblement National a eu du succès avec des candidats avec un fort ancrage local. Cela fait écho à certains articles de l’excellent Alain Faure sur les politiciens locaux, leur ancrage territorial et le sentiment de trahison que leurs électeurs peuvent avoir dès qu’ils accèdent à des fonctions nationales comme député ou encore ministre.

Finalement, les études que j’ai pu lire donnent des tendances statistiques assez significatives sur des élections hors du calcul politique, à savoir n’importe quel premier tour à suffrage universel direct. C’est à partir du moment où on commence à avoir une mobilisation qui donne tort au vote initial (on se souvient de la ratification du traité de Lisbonne, finalement adopté à l’Assemblée alors que les Français avaient dit non).

La voix reste par conséquent une excellente porte d’entrée pour expliquer un certain nombre de phénomènes politiques, y compris ceux qui nous échappent (une Assemblée Nationale qui n’est pas représentative ou des candidats lors de primaires à deux tours qui le sont encore moins). 

Elle explique pourquoi une frange grandissante des Français ressent de la frustration devant la déconnexion de notre classe politique après un vote populaire massif mais qui ne se traduit pas dans l’Assemblée. 

La grille de lecture reste donc plutôt exacte. Et je peux continuer mon job assez sereinement.

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A propos

  • Portrait Emilien Hamel

    Emilien Hamel

    Formateur en prise de parole et coach vocal, Expert Voix, Grenoble et visio