Les formations voix pour femmes…. entre femmes : indispensable ou fausse bonne idée ?

Aujourd’hui, on va s’intéresser à un phénomène particulier qui a émergé il y a quelques années et dont l’une des manifestations les plus emblématiques est le phénomène #metoo. Les sororités qui prônent l’empowerment des femmes font de plus en plus entendre leur voix dans le concert médiatique discordant du moment. Dans cette mouvance, on voit donc fleurir tout un tas de formations de prise de parole en public exclusivement pour les femmes, par des femmes, dans une perspective d’affirmation de soi. Mais un homme peut-il pour autant se positionner dans ce créneau? Quelques éléments de réponse basés sur mon expérience de ces dernières années.

2022 a été une année faste pour mon activité. Charnière même car j’ai eu la concrétisation d’engagements nombreux qui ont été très satisfaisants en termes de business, mais m’ont quelque peu submergé. 

La conséquence directe : être plus efficace et plus pertinent en fonction des attentes du marché. Il a fallu revoir certains de mes sujets de formation qui n’étaient plus forcément à jour. Et l’un d’entre eux est le leadership vocal au féminin, une prestation que j’ai déjà animée pas mal de fois en entreprise et auprès d’élues territoriales qui en étaient grandement satisfaites. 

Dans une perspective d’amélioration constante, j’ai cherché à conforter mon offre en mettant encore plus en avant le positionnement haut de gamme et technique. Je sais que par rapport à d’autres organismes de formation c’est la meilleure stratégie, car le vide dans le domaine de la formation prise de parole pour femmes allait forcément attirer d’autres acteurs. Sauf que les acteurs en question étaient en très vaste majorité… des actrices !!!

En effet je me suis rendu compte de quelque chose d’assez curieux au fil de mon benchmark : beaucoup de formations sont animées exclusivement par des femmes, très très peu par des hommes. Quoi de plus normal en effet d’avoir des sororités qui souhaitent que leurs consoeurs brisent enfin le plafond de verre pour de bonnes raisons et non pour servir de fusible dans une entreprise en crise avec obligation de réussir, et un jugement plus dur en cas d’échec. Je lis donc attentivement tous les contenus publiés avec un esprit a priori ouvert, mais avec mes biais d’Expert de la voix.

Les formations mettent l’accent bien évidemment sur l’argumentaire, le fond, la forme, la posture et tout ce qui s’ensuit. On est là dans une formation pour la prise de parole on ne peut plus standard. Descriptif classique du contenu : une petite citation sur le langage de l’émotion, le comment qui est plus important que le message lui-même, blablabla. Bon, pourquoi pas. Après tout, la loi de Mehrabian, qui décortique en pourcentages la proportion de verbal, non-verbal et vocal (sacro saint totem des coachs en prise de parole), avait pour cobayes exclusivement des femmes. On est raccord.

Si on regarde ensuite plus attentivement ce qui est proposé, on va sur le champ lexical des qualités qu’on prête la plupart du temps à des femmes : de l’empathie, du rire, de la douceur, des valeurs maternelles, du respect…. et de l’intelligence collective. Le packaging est au point mais l’aiguille de mon bulshitomètre, jusqu’ici immobile, commence à trembloter un peu. Je me ravise pour le moment, de peur d’être taxé de sexisme et de mansplaining, la hantise de l’homme moderne, et je poursuis donc ma lecture.

On arrive sur les objectifs à atteindre pour cette formation standard, mais pour des femmes par des femmes, avec l’évocation du lead, de la posture de leader qui est la même que celle qu’un homme pourrait prendre (ou tout simplement n’importe qui de confiant en ses capacités). On parle du stress et des peurs pour les transformer en énergie positive (on retombe dans le girly mais pas dans le bon sens du terme). 

Mais il y a un hic, un gros même. Car à mon humble avis d’homme, Expert voix un peu ouvert, voyant tout ce cirque avec un regard affûté, ces formations perpétuent implacablement des stéréotypes de genre ! Restons logiques : en demandant à des femmes de chercher à avoir une posture équivalente à celle des hommes dans une perspective d’empowerment, pour avoir enfin les c… de demander son augmentation… heu… y’a pas un bug de raisonnement là ??

Ma perplexité va grandissante devant une logique aussi contradictoire. Je ne parle pas ici de sexisme ou autre, je parle juste de mon ressenti de totale incohérence entre ce qui est annoncé et ce que cela implique en réalité… Bref.

On trouve aussi dans le syllabus pour conclure le packaging, les noms des grandes oratrices féminines, à grand renfort d’exemples et de citations. 

Mais toujours sans évoquer l’un des paramètres principaux à prendre en compte, à savoir les différences physiologiques entre hommes et femmes, et le pourquoi du plafond de verre. On évoque juste le fait que les voix graves sont plus convaincantes, sans trop dire pourquoi. On évite d’évoquer les différences physiologiques entre les hommes et les femmes du point de vue vocal, le fait que la voix soit un signal sexuel secondaire avec une réalité physiologique incompressible, quoi qu’en disent les wokes et consorts, et tellement d’autres choses que je m’arrête tout de suite avant de réellement m’agacer. Bref, on parle de tout…. sauf de l’élément principal, le positionnement des femmes par rapport aux hommes, car on reste entre soi pour des formations qui sont encore une fois on ne peut plus standard.

Pour résumer, en forçant un peu le trait, on a des organismes sororaux qui proposent des formations “bateau”, qui pourraient être destinées littéralement à n’importe qui, si ce n’est qu’elles sont animées par des femmes, pour des femmes, dans un cadre non mixte. 

Notons ici que par conséquent cela ne reflète en aucun cas la réalité du monde du travail. Cela amène donc une impossibilité de travailler et de progresser sur la confrontation avec “l’opposant” et donc le plafond de verre susmentionné, en renforçant les stéréotypes genrés mais en demandant aux participantes de faire comme les hommes…

De mon point de vue, c’est réellement dommage. On a le sentiment qu’elles connaissent peu leur sujet et souhaitent jouir d’un effet d’opportunité lié à la mode de l’éloquence… ou au féminisme. 

Elles auraient pu expliquer pourquoi par exemple, le fait que  la crise de la covid a été le mieux gérée par des dirigeantes et non des dirigeants. Elles auraient aussi pu dire pourquoi lors des élections de la chambre des représentants aux Etats-Unis en 2012, dans un face à face femme / homme, la candidate l’emportait sur le candidat. Elles pourraient évoquer la corrélation avérée entre le son d’une voix et les stéréotypes qu’on y prête, quel que soit le rapport de causalité. Elles auraient dû parler de la dissociation chez les femmes entre leadership et capital sexuel reproductif, sachant qu’il est corrélé chez les hommes. C’est pour ça qu’il a été largement démontré qu’on prête plus de qualités de leadership aux hommes avec une voix grave… 

Et je suis d’autant plus embêté d’écrire tout cela car je ne sais pas ce que c’est qu’être une femme dans le monde du travail, devoir lutter pour sa légitimité et s’affirmer, et surtout essayer de faire entendre sa voix dans un débat… Mais si les principales intéressées ne sont elles-mêmes pas légitimes à guider des femmes vers de l’assertivité et connaissent mal leur sujet, ça ne va pas vraiment faire avancer le schmilblick…

Bref, l’empowerment est surtout ici de façade, et on en revient au packaging. Je n’ai pas vraiment vu de solutions concrètes pour une amélioration de l’expression vocale des femmes en France, alors que la situation est totalement différente aux Etats-Unis, où des formatrices sérieuses et pragmatiques font un travail extraordinaire.

Nous sommes d’accord sur un point, mesdames. Les clientes qui viennent nous voir ne viennent pas pour de la puissance, mais juste pour faire entendre leur voix. Mais je crois, dans une perspective de diversité de points de vue, qu’il est absolument nécessaire de prendre en compte la réalité physiologique des porteuses et porteurs de message eux-mêmes, et surtout le principe de réalité français dans les cercles de pouvoirs, à large majorité masculine et avec la nécessité de savoir que ce pense ou ressent “l’opposant” (un homme, moi par exemple 🙂 ), dès qu’une femme commence à exprimer son point de vue et cherche à être prise au sérieux.

Le féminisme est une question d’égalité des sexes et non de suprématie. Et pour comprendre ce qu’est le sexisme et surtout comment y remédier, le communautarisme genré n’est pas la solution d’après moi. 

L’expertise en revanche qui transcende les stéréotypes, quel que soit le sexe du coach, peut contribuer à faire avancer votre cause, notamment en vous faisant prendre conscience que votre voix telle qu’elle est du point de vu physiologique est parfaitement ok, qu’il y a une gamme d’inflexions nettement supérieure à celle des hommes, et surtout qu’une voix féminine posée correctement sera bien plus garante de stabilité dans une organisation, plutôt qu’un voix masculine grave qui pourra être perçue comme agressive. 

C’est ça la clé, Mesdames !

Tout cela s’explique et se démontre scientifiquement. Ce n’est pas du marketing empirique : tout l’intérêt de se former auprès d’un Expert de la Voix est de comprendre POURQUOI c’est comme cela…. et de s’entraîner avec un bon formateur à exploiter toutes ses caractéristiques anatomiques et physiologiques.

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A propos

  • Portrait Emilien Hamel

    Emilien Hamel

    Formateur en prise de parole et coach vocal, Expert Voix, Grenoble et visio