Aimer sa voix

Ah, le rapport à sa propre voix qu’on n’aime pas et qu’on ne reconnaît jamais quand elle est enregistrée. Cette problématique est assez universelle et répandue. On se dit…. si seulement ma voix était plus grave, ou plus aiguë ou autre. Mais pourquoi n’aime-t-on pas sa voix, et que peut-on faire à ce propos? C’est la thématique du jour.

Cela fait maintenant pas mal de temps que je suis formateur voix. Et je reste surpris d’avoir autant de clients qui viennent me voir car ils n’aiment pas le son de leur voix. Elle est trop aiguë, trop grave, trop sourde, pas en adéquation avec qui on est ou qui on croit être, trop forte ou pas assez projetée, parfois trop rauque, parfois trop riche. Bref, elle n’est jamais assez ou bien souvent elle est trop. Et ces clients veulent améliorer leur voix ou tout simplement en changer sa sonorité.

Pourquoi on n’aime pas sa voix

La réponse à cette question est relativement complexe. Elle touche à l’acoustique, à la personnalité sans oublier une petite dose de psycho-social. 

Par définition, de la même manière qu’on n’aime pas se regarder sur une vidéo ou qu’on ne se reconnaît pas en se regardant sur une photo, on ne reconnaît pas sa voix à l’enregistrement et donc on ne l’aime pas. Pour comprendre cela, il faut détailler l’aspect perceptif de la voix.

On a deux manières de percevoir la voix: de l’intérieur et de l’extérieur. Quand on entend sa voix de l’intérieur, on perçoit surtout les vibrations graves, notamment la conduction osseuse du son ainsi que la résonance de poitrine. 

Les fréquences aiguës passent moins ou sonnent comme un cri, donc on l’évite autant que possible.

Quand on entend sa propre voix, on est privé du retour de cette résonance et la voix nous paraît plus aiguë, moins ancrée dans le corps, moins impactante. On a des difficultés à se reconnaître et le décalage est parfois brutal. 

Cette voix-là sera pourtant celle qu’on entend quand vous parlez, d’où la tragédie quand on a l’impression d’avoir fait une bonne prise de parole et que le retour est celui d’une voix de canard…

La voix enregistrée qu’on n’aime pas 

Autre problème, un enregistrement ou une visio-conférence ne restituera jamais totalement l’intégralité du spectre harmonique de la voix. L’oreille humaine est conçue pour percevoir les fréquences, le nombre de vibration d’une onde sonore qui se propage dans l’air, allant de 0 à 20 000 Hz. 

Un microphone ne captera jamais l’intégralité du spectre harmonique de la voix et un ampli, que ce soit celui d’une télé, d’un ordi ou d’un téléphone, n’en restituera jamais la totalité. Cela explique aussi, outre le phénomène de perception biaisée de sa propre voix, la fatigue intense et la frustration qu’on peut ressentir lors d’une visioconférence.

Enfin, on peut effectivement parler d’une forte composante sociale découlant d’un déterminant biologique important. 

Nous avons tendance à trouver les voix graves plus attractives pour les hommes et les voix aiguës plus attirantes chez les femmes. Par ailleurs, nous préférons les voix un peu lissées plutôt que celles qui ont des aspérités, comme de l’air sur la voix par exemple ou une voix trop forte. Nous sommes des créatures de conformité qui n’aimons pas les irrégularités dans l’émission car elles peuvent indiquer des personnalités avec lesquelles on ne s’entendra pas ou qui souffrent d’une pathologie physique qui nous fera peut-être fuir car nous avons des difficultés avec les personnes en mauvaise santé psychique ou physique.

Mais alors peut-on la changer?

A moins de faire une transition de genre, avec plus de succès du genre femme vers le genre homme, on ne peut pas changer de voix. Elle change de facto toute seule car la vie, les hormones et les changements physiologiques passent par là.

La problématique des changements de voix liés aux changements de genre est particulière et mérite un article à part entière (à venir, stay tuned !!). Mais quand un homme fait sa transition de genre, “elle” voudra coller au maximum aux inflexions, tonalités et inflexions appartenant à son nouveau genre, donc adopter des maniérismes d’imitation et de transformation qui ne sont pas forcément compatibles…. puisque la voix à la base était une voix d’homme. Donc le changement de voix ne peut être tout à fait effectif.

Je me questionnerais autrement en fait. Doit-on changer de voix? Pour quoi faire? Quel objectif veut-on atteindre? Est-ce utile?

Quand je fais mes formations et que je parle de voix impactantes, les apprenants ont tendance à se dire “je n’y arriverai pas” ou “il faut que je change de voix”. En fait, quand on travaille sur la voix, on touche à une composante identitaire fondamentale, qui peut rendre les gens insécures car ils n’aiment pas leur voix de base et voudraient en changer.

Se réconcilier avec sa voix et s’en servir de base de travail

Chercher à changer sa voix veut dire qu’on n’est pas au clair avec son identité. 

Donc la première étape sera de se réconcilier avec.  J’amène le client à considérer la voix non pas comme un objet émotionnel mais comme un objet acoustique avec toute une série de variantes (hauteurs, débit de paroles, rythme, pauses, résonances et projection entre autres). On en retire la charge affective pour être sur la mécanique pure et le rendu sonore.

Ensuite, je fais faire un travail spécifique adapté à la physiologie de mon client afin que la voix soit utilisée avec un peu plus de souplesse, de soutien abdominal, que le débit de parole soit adapté au public, et que la résonance soit optimale. 

La voix prendra de fait de nouvelles habitudes qui la feront sonner différemment, le larynx aura plus de souplesse et le souffle contrôlera mieux l’émission, sans pour autant changer le cœur de la voix lui-même.

La perception de la voix sera aussi différente, donc l’amélioration portera non seulement sur l’aspect phonation, mais aussi sur l’aspect perceptif (objectif comme subjectif) de la voix.

Donc un bon coach vocal ne dira pas à son client qu’il peut changer sa voix. En revanche, il peut en faire changer l’émission et la phonation, ce qui entraîne un changement… de voix finalement :).